Vous avez une cour en gravier, et il y pousse des (grosses) pierres ? Une cour en gravier normalement constituée est pleine de pierres pour structurer la sous-couche porteuse : si ces pierres plus grosses que le gravier remontent à la surface du sol, c’est le résultat de processus naturels lents et constants.
En bref...
Ce phénomène de grosses particules qui remontent au lieu de descendre est plutôt contre-intuitif, mais bien réel et assez facile à constater, en particulier quand vous utilisez un désherbeur mécanique. Si votre désherbeur a le hoquet pendant son travail, ne cherchez pas plus loin.
Par curiosité, intéressons nous à ce phénomène surprenant. Ici, pas de scoop du genre force centrifuge de la rotation de la terre ou travail des vers de terre. On peut retenir deux principes majeurs, moins amusants mais beaucoup plus efficaces.
Pierres affleurantes dans le gravier : l’effet « noix du Brésil »
Lors de vibrations ou mouvements du sol (naturels ou mécaniques), les petits grains s’infiltrent sous les gros, les poussant vers le haut. Ce phénomène est bien connu en physique des milieux granulaires : c’est l’effet noix du Brésil (ou Brazil Nut Effect) qui explique pourquoi dans un mélange de particules de tailles différentes – dans un paquet de céréales, dans la benne d’un camion brésilien ou dans un tas de gravier – les plus grosses particules remontent à la surface lorsqu’on agite le tout. On parle aussi de convection granulaire, car le mécanisme ressemble aux mouvements de convection dans les fluides. Le concept est utilisé en astronomie – l’effet est observé sur des astéroïdes où les gros rochers remontent à la surface à cause de la faible gravité et des impacts – ou encore en archéologie – où on constate que des artefacts lourds remontent au fil du temps. Le degré de vibration nécessaire n’est que proportionnel à la durée : ramenez 1 siècle à 1 minute et vous verrez que les mouvements de sols sont pires que ceux d’une piste de danse enflammée.
NB pour mieux mélanger les différents facteurs : cet effet BNE est inverse dans certains mélanges très fins ou très humides, car les grosses particules restent en bas voire s’enfoncent davantage. La granulométrie et l’hygrométrie sont des facteurs essentiels dans le design de silos ou trémies industrielles, ou encore en géologie pour comprendre la stratification des sols. Mais laissons là ces plaisirs de spécialistes pour revenir à notre cour en gravier.
Expulsion des pierres par gel et dégel
Le second principe en action est encore plus terre à terre. En hiver, l’eau contenue dans le sol gèle et se dilate, soulevant les pierres. Lors du dégel, la terre meuble se tasse autour et sous les pierres, qui restent en position plus haute. Ce processus répété chaque année a une fâcheuse tendance à faire remonter progressivement les pierres.
Phénomène « géomorphologique » de brassage du sol par les cycles de gel / dégel, il est typique des environnements froids ou périglaciaires (régions arctiques, régions alpines). Connu sous le vocable de « cryoturbation », il résulte en rien de moins que la « cryoexpulsion » des pierres les plus grosses.
A noter que ce mécanisme naturel est à l’origine de formes curieuses parfois attribuées par erreur à une activité humaine, comme des cercles de pierre ou des sols polygonaux. Hé non, les extraterrestres ne se sont malheureusement jamais intéressés à nos cours en gravier !
Pourquoi le désherbeur mécanique vient remettre de l’ordre
Les pierres affleurantes gênent le travail du désherbeur mécanique qui vient racler le sol sur une grande surface. Son action contribue à ralentir ce phénomène en introduisant un mouvement contraire : sous l’action de la lame à débordement, le gravier incrusté est récupéré et propulsé à la surface du sol en étant séparé des particules plus petites – poussières, terre, déchets végétaux etc. Ce mouvement permet à la fois de diminuer l’apport en gravier nécessaire à l’entretien des allées, mais aussi de ralentir l’expulsion des pierres affleurantes. Ce qui n’empêche pas que si le désherbeur est pris de « hoquet » (il bute sur des pierres affleurantes), le meilleur réflexe reste d’évacuer ces pierres.
A noter que ce n’est pas vrai de tous les désherbeurs : certains ont une simple lame plate qui passe sous le gravier, d’autres ont une lame à débordement qui « arrache » les graviers à la pesanteur pour mieux les remettre à leur place. (les graviers volants, c’est comme les poules qui se prennent pour des oiseaux : ça finit par retomber).
Cette curiosité intellectuelle étant satisfaite : la prochaine fois qu’un désherbeur aura le hoquet, nous saurons qui accuser !